Textes

Cohérence et diversité

Les trois premières gravures connues de Kurt Peiser datent de 1913. La Première Guerre mondiale interrompt cette activité qu’il ne reprendra qu’au début des années 1920, après son installation à Bruxelles.

Dès 1921, K. Peiser aborde différents thèmes sur lesquels il aura l’occasion de revenir plus ou moins fréquemment par la suite.

Une de ses premières eaux-fortes s’intitule A la porte de l’estaminet et représente une jeune femme adossée devant l’établissement.

Les scènes de bar ou d’estaminet sont fréquentes au début des années vingt et elles ont la plupart pour personnage central une dame – serveuse, patronne, cliente, prostituée – en situation d’attente ou de repos.

Ainsi, La fille Elisa de 1921 trône au centre de la composition, juchée sur un tabouret et adossée au bar, l’air absente. Le noir de sa tenue et du bandeau qui lui ceint les cheveux contraste avec la pâleur de son teint et sa chevelure claire. Le décor et les autres personnages sont traités en nuances de gris qui mettent en valeur le sujet principal.

D’autres gravures de la même époque comme Minuit au bouge et La serveuse saoule montrent la dame dans une situation plus délicate.

Les scènes de bar deviendront plus rares par la suite et si certaines sont encore traitées dans le même esprit, d’autres évoquent plutôt l’ambiance générale de l’endroit sans mettre aucun acteur spécialement en évidence.

 

La comparaison de deux eaux-fortes, Son premier client  de 1923 et Scène d’estaminet de 1931, est éloquente à cet égard. Il s’agit de la même plaque retravaillée à huit ans d’intervalle.  La composition générale est restée la même, la posture de la dame également, mais dans la seconde, l’expression du visage a changé et deux personnages ont été ajoutés, ce qui modifie sensiblement le sens de l’image.

 

Le Cheval au port de 1921 contient également deux thèmes qui inspireront K. Peiser tout au long de sa carrière de graveur : la mer et les bateaux d’une part, le cheval d’autre part.

La mer est très présente dans l’œuvre gravé de l’artiste.

Il l’utilise surtout comme toile de fond pour différents sujets. Dans Au coucher du soleil, par exemple, l’estacade sert de décor à un couple d’amoureux.

Les marins, les pêcheurs, leur famille et les activités liées à la pêche sont maintes fois représentés.

Dans toute une série d’estampes sur le mode du clair-obscur, qui sont sans doute les plus connues de sa production, il campe à l’avant-plan un groupe d’hommes ou de jeunes gens qui se détache sur un fond plus clair de mer et de ciel.

La célèbre eau-forte Gamins de pêcheurs, dont existent des versions noir et blanc et d’autres en couleurs, date de 1943. On y voit  deux enfants, l’un agenouillé et l’autre à moitié étendu sur le sol et la rambarde, qui regardent les bateaux à voile depuis le ponton.

Près de vingt ans plus tôt, en 1926, la silhouette foncée des trois Pêcheurs sur l’estacade se découpait déjà sur fond de mer, de voiles et de ciel clairs.

La mer et les bateaux constitueront le sujet même de l’estampe essentiellement en 1928 et 1929 avec notamment Au grand bassin, Barques à moules et Le géant remorqué.

Au même titre peut-être, le cheval est omniprésent dans l’oeuvre.

Il est presque toujours mis en situation sur un lieu de travail, au repos ou en pleine action.

Dans Le Recul de 1923, un cheval noir se cabre violemment alors qu’un des charretiers essaye de faire reculer l’attelage et que l’autre tente d’aider à la manœuvre. Cette scène se passe dans un site industriel ; d’autres se déroulent sur des chantiers, en milieu urbain, dans un port ou encore sur la grève.

A différentes reprises, l’artiste s’est attaché à montrer les derniers moments de ce compagnon des travailleurs. Ainsi, dans la lithographie Victime du travail de 1931, il repose sur le sol enneigé tandis qu’un homme se penche affectueusement vers sa tête. La rivière qui traverse l’image à l’horizontale semble donner plus de poids encore au corps allongé et de tristesse à la scène.

L’engagement social de K. Peiser se manifeste très tôt au travers d’œuvres telles que Exclus de 1921 ou  Les déshérités de 1923.

Dans Exclus, la maman et son enfant, seuls éclairés par un faisceau de lumière, se détachent sur le flot de passants indifférents tandis que Les déshérités, un couple et leur enfant, sont prostrés sur un banc, la nuit.

Plus tard, en 1928, le Noël des pauvres se réduit pour le malheureux à essayer de se réchauffer à un brasier au milieu d’un paysage hivernal.

Dans les années trente, K. Peiser consacrera aux démunis de grandes planches au style très achevé telles que La cour des miracles et Coin des parias.

Le Curage des tuyaux – Usine à gaz  de 1922 est une des premières estampes dédiées au travail en milieu industriel.

Le monde des travailleurs dans l’industrie ou sur des chantiers sera plusieurs fois évoqué jusqu’au milieu des années trente, et presque toujours par des vues d’extérieur.

Après l’usine à gaz, ce seront les fours à ciment et les grands travaux qui seront montrés. Les chantiers navals font quant à eux l’objet de trois eaux-fortes très graphiques en 1927.

Peiser dépeint aussi d’autres métiers, généralement par un gros plan sur un personnage à son travail comme le Marchand de plaisir, Le porteur de feu ou le Débardeur.

Quelques portraits, dont l’impressionnant autoportrait  lithographié de 1918, parsèment l’oeuvre.

En 1931, K. Peiser publie dix portraits rassemblés dans un recueil de lithographies intitulé La Crapule. Le titre doit se comprendre au sens de groupe d’individus fréquentant les lieux de débauche où ils s’adonnent à la boisson.

Au milieu des années trente apparaît un thème nouveau qui sera développé par la suite sous différentes formes : les scènes de quartier composées de plusieurs personnages bavardant ou vaquant à des tâches ménagères dans la rue.

Ce thème sera traité à de nombreuses reprises durant les années de guerre.

Dans Commérages de 1936, les trois dames à leur bavardage sont vues en assez gros plan et seul un morceau de rue est visible derrière elles. Par contre, dans La «Cour» de la rue du Faucon de 1944 et dans d’autres similaires, l’artiste dépeint sous un angle plus large un quartier populaire dans lequel prennent place les quelques personnages.

S’il a réalisé quelques eaux-fortes au titre et au sujet délibérément sombres (Idées noires, Désolation), il en a gravé de résolument plus optimistes.

Des amoureux tout d’abord: deux jeunes gens dans L’éternelle chanson au titre évocateur, un couple enlacé se baladant le long de la grève dans Soir de printemps ou un couple étendu dans l’herbe dans Idylle et Le long de la digue.

Et aussi une Maternité, de Joyeux compagnons, une Dame aux fleurs et une Femme souriante…

Dans les années trente, ce sont des scènes de liesse populaire qui l’inspirent. Dans Kermesse des Marolles, tout un petit monde haut en couleurs s’ébat sous la banderole “Commune libre des Marolles”, la  Salle de danse populaire fourmille de personnages et dans la Kermesse Flamande, une composition en triangle met en évidence l’accordéoniste qui donne le ton à la fête.

La fin de la guerre est saluée en 1946 par Je te salue, homme intrépide qui a su aimer sa patrie au point de souffrir pour elle jusqu’à sa délivrance et la dernière eau-forte connue de K. Peiser, en 1956, est tout autant porteuse d’espoir puisqu’il s’agit du faire-part de naissance de sa petite-fille Anne.

 

Etienne Ringlet

Hard maar zacht

De oprechte kunst van Kurt Peiser brengt verslag uit van de ellende die hij met zijn eigen ogen te zien kreeg, in de marge van zijn stad. Het weze Antwerpen of Brussel, de Zuiderdokken of de Marollen. Kurt Peiser betrapte de hardst werkenden, de armsten, de klaplopers, de verworpenen. Niet alleen in hun geflikflooi of labeur, maar ook op momenten van zon of rust. Hij beeldde hen niet alleen in hun miserie af. Hij schilderde, tekende en etste hen zoals hij hen zag. Intens, meevoelend, zonder gemoraliseer of oproep tot verzet, maar niettemin ongenadig. Want wee de uitgezakte prostituee die hij portretteerde. De afgebeulde natiepaarden of afgedankte mijnpaarden, tot de slacht gedoemd, pijnigden zijn blik extra.

Louis Paul Boon schreef het zo in De Rode Vaan van 2 februari 1946: ‘Zeventien jaar geleden stelde Kurt Peiser tentoon in de zaal Giroux. Wij kwamen toen pas uit de school en begonnen met verwonderde jongensogen op te merken dat het leven, het waarachtige, iets heel anders was dan het de schoolmeesters voorgesteld hadden. Toen kwam Peiser en hij wierp de schermen van die theaterwereld voor ons omver. Hij liet ons in zijn doeken een lijdend, een duldend leven zien. Hij sprak stout een aanklacht uit die wij reeds aarzelend begonnen te mompelen. Het waren de nachtploegen, de gekrepeerden, de stervende paarden, de meisjes van het schamel genot, die ons erbarmen opriepen. Peiser was in onze ogen een reus, iemand die de banier van de opstand droeg.’

Maar de reus is niet bekend gebleven. Het grote publiek kent hem niet langer. Hij staat geregistreerd in de kunstgeschiedenis, dat wel. Als een realistisch schilder, tekenaar, lithograaf en etser. Die les volgde bij onder anderen landschap- en marineschilder Gerard Jacobs aan de Koninklijke Academie voor Schone Kunsten in zijn geboortestad Antwerpen. Aangestipt wordt dat Kurt Peiser lid was van La Gravure Originale Belge, die tussen 1924 en 1939 grafisch kunstenaars verenigde onder wie Dirk Baksteen, Jules de Bruycker, Casimir Heymans, Romain Malfliet en Walter Vaes.

Niet dat Kurt Peiser daarom met hen onder één hoedje te vangen is. Kurt Peiser is een Einzelgänger in de Belgische grafische kunst. Net als Jules De Bruycker (1870-1945), de geniale Gentenaar die hij zo bewonderde, misschien de enige aan wie Kurt Peiser zich spiegelde. Vergelijk maar hun beider etsen van de Antwerpse kathedraal gezien vanop de Schelde, die op hun beurt later Juliaan Severin inspireerden.

De officiële kunstgeschiedenis vertelt met enig leedvermaak dat Kurt Peiser op een tentoonstelling in 1914 in aanraking kwam met het Antwerpse gerecht wegens openbare zedenschennis, voor aanstootgevend naakt op een paar van zijn schilderijen. Zijn moment de gloire was de overzichtstentoonstelling bij Georges Giroux in 1929 in Brussel, de belangrijkste Belgische galerie.

Maar dat de prijs voor een Peiser toen ‘een paar duizend frank’ bedroeg, betekent niet dat zijn schilderijen vandaag in musea te vinden zijn. Eentje, in het Joods Museum in Brussel, Un fils d’Israël (1915), en een tweede, Oude vrouw (1930-’37), in de reserve van de Hermitage in Staraya Derevnya, buiten Sint-Petersburg.

Zeggen dat de kunstgeschiedenis hem opslokte, zou overdreven zijn. Na zijn dood in 1962 was er een tentoonstelling in de galerie L’Atelier in 1968 en in het cultureel centrum Candelaershuis in Ukkel vond later een retrospectieve plaats.

 

Gelukkig bleven tal van grafische werken bewaard in de prentenkabinetten van Antwerpen en Brussel en de Koninklijke Bibliotheek.

 

Een paar gepassioneerde verzamelaars bleven zich voor zijn werk interesseren.

Toen het Jakob Smitsmuseum in 2007 een tentoonstelling wijdde aan Kurt Peiser, kreeg die geen weerklank, omdat Kurt Peiser geen bekende kunstenaar is – quod erat demonstrandum. Net als – ironisch genoeg – Jules De Bruycker, blijft Kurt Peiser het goed bewaarde geheim van een paar kenners.

Niettemin zijn Peisers olieverfschilderijen de jongste jaren geregeld aangeboden op kunstveilingen in ons land, steevast afgehamerd tegen 3.000 tot 7.000 euro, in het buitenland soms meer. De doeken vertonen een thematische en stilistische verwantschap met die van Eugeen Van Mieghem (1875-1930). Peiser en Van Mieghem zijn beiden zonen van de Antwerpse havendokken, waar de twaalf jaar oudere Van Mieghem de visvrouwen, zakkenmaaksters en migranten die met de Red Star Line naar Amerika trokken vereeuwigde.

Maar de doeken van Kurt Peiser steken af tegen die van zijn stadsgenoot door het sterke licht dat ervan uitstraalt. In de kleurenwereld van Peiser schijnt een intense lage zon, die in zomertaferelen lange schaduwen werpt en gestalten op de voorgrond in een gloed zet. Of volkse personages staan fel contrasterend afgebeeld tegen een monochroom helle lucht. Peisers vrolijke palet, met een voorkeur voor fel rood en geel, verft een andere wereld dan die van Van Mieghem.

Dat streven naar fel contrasterend clair-obscur verraadt de etser en lithograaf die Kurt Peiser vooral was. In de grafiek ligt het zwaartepunt van zijn oeuvre, kwantitatief zowel als kwalitatief. Hij maakte zeer gedetailleerde lijnetsen, met drogenaald en aquatint.

Peiser hanteerde de formule ‘een derde licht, tweederde schaduw’. Het effect is soms erg dramatisch met bijna zwarte figuren tegen een lichte achtergrond buiten (de man en het werkpaard op L’effort 2, 1929) of oplichtende personages in een donker café-interieur (het naakt op Danseuse nue, 1921).

Hoe groter het contrast, hoe dramatischer. Zo tekende hij ook: met grote sombere, donkere vlakken, tegen oplichtende achtergronden. De prenten zijn echter zacht, nooit hard. Bij Kurt Peiser zijn de lijnen zelden scherp, de contouren nooit uitgesneden.

Want de kunst van Peiser blijft zacht, hoe hard zijn boodschap ook moge zijn.

Dirk Martens